Jour 29 – 8 février 2019

Voici un texte que j’ai rédigé, en vue d’une discussion dans un séminaire de création littéraire. La question que l’on se pose : L’écriture de textes fictionnels et autofictionnels possède-t-elle des vertus thérapeutiques ?

L’acte d’écrire n’est pas naturel comme celui de respirer, de marcher ou de parler. Écrire est un exercice complexe faisant appel à une construction cognitive du langage. C’est une discipline qui a exigé, à ceux et celles qui l’ont acquise, un apprentissage conscient. Comme le disait Claudine Fabre, « l’écriture est un acte de transformation et de découverte sur la langue et le discours[1]  ». L’écriture utilise le langage comme un matériau d’expression, de communication. L’un des défis de l’écriture est celui de rendre le plus analogue les phrases amalgamées et l’essence de l’auteur(e), traduire le plus justement possible, et par le biais des mots, l’imaginaire ou les inspirations intérieures.

  • Dans une telle optique, faudrait-il – afin que les mots glissent aussi aisément que notre pensée – maîtriser le langage textuel, narratif et la grammaire pour que l’acte d’écrire puisse être thérapeutique?

Des études effectuées par Hayes et Flower en 1980, démontrent toute la complexité de l’acte d’écrire. Les principales opérations, avant d’en arriver à la relecture et aux opérations de révision d’un texte, se diviseraient en deux grandes opérations :

  1. Opération de planification (conception, organisation, recadrage) : « ces opérations se concrétisent sous la forme de bribes non rédigées, notes ou fragments de phrases[2] »
  2. Opération de mise en texte : « Pour cela, le scripteur doit faire face simultanément à des contraintes locales (syntaxe, orthographe, choix de mots…) et des contraintes globales (type de texte, cohérence macrostructurelle)[3] »

L’acte d’écrire suppose alors un travail intellectuel de haute voltige où l’auteur doit, au-delà du ressenti, construire et élaborer.

  • Est-ce qu’un aspect thérapeutique parviendrait à trouver sa place à travers ces opérations intellectuelles?

L’opération de la mise en texte demande davantage de structuration de la part de l’auteur(e), puisqu’il ou elle doit mettre à profit ses connaissances et son savoir plutôt que ses ressentiments et ses inspirations. Nous pourrions donc penser que l’opération de planification de l’écriture détiendrait davantage ce potentiel thérapeutique. À ce sujet, l’écrivain et poète Patrick Pérez Sécheret, qui, par des ateliers d’écriture, a un accès direct avec le processus de bien des auteurs, constate que :

Au plaisir procuré de pouvoir exprimer, écrire ou dire et dire des choses générales ou davantage liées ou non à sa propre intimité, survient une sorte de frustration, de non abouti d’une démarche émancipatrice, de choses enfouies, cachées, niées parfois, des choses simples ou complexes qui bornent un vécu, une aventure personnelle, une vie et finissent par en être un handicap ou un monologue douloureux […]

Je note à chaque atelier que le non-dit est constamment en marge du dire ou du formulé dans un exercice, que le temps d’échanges, de paroles, est presque le double du temps consacré à l’écriture ! Cela me paraît immense. Pour pouvoir écrire, il faut des outils, quelques ingrédients mais surtout parler, dire, exprimer de vive voix, souffler[4].

Suivant cette constatation, le travail en amont de l’écriture contiendrait davantage le potentiel thérapeutique que l’acte d’écrire en lui-même. L’acte d’écrire serait alors le simple témoignage des compréhensions et des résultats de nos introspections précédentes.

  • Qu’en est-il pour vous?

Suivant ces propositions, l’acte d’écrire ne porterait pas, à cause de sa complexité et du lot important de contraintes langagières et affectives qu’il sous-tend, un potentiel thérapeutique. La thérapie, selon ces principes, devrait être effectuée en amont de l’écriture. Mais, tournons à présent notre regard vers la relecture de soi, non pas dans une volonté de réécriture de ses textes, mais dans une optique de compréhension psychique de notre pensée. Ce que nous pourrions nommer « la thérapie inversée de l’écriture ».

  • La relecture de soi a-t-elle le potentiel de nous dévoiler des aspects de nous que nous ignorions lors de l’écriture de l’un de nos textes?
  • La relecture de soi a-t-elle le potentiel de nous guérir ou de mieux nous comprendre?

[1] Claudine Fabre, « Les brouillons d’écolier ou l’entrée dans l’écriture », dans Repères, recherches en didactique du français langue maternelle, no 4, 1991.

[2] Claudine Garcia-Debanc, « Processus rédactionnels et pédagogie de l’écriture » dans Pratiques : linguistique, littérature, didactique, n°49, 1986. Les activités rédactionnelles, p. 28. En ligne [ https://www.persee.fr/docAsPDF/prati_0338-2389_1986_num_49_1_2449.pdf ]

[3] idem.

[4] Patrick Pérez Sécheret, « L’écriture est-elle une thérapie? », en ligne [http://perez-secheret.over-blog.com/2016/09/l-ecriture-est-elle-une-therapie.html]


En 2019, je me discipline à composer aussi souvent que possible…
bon voyage au centre de mon imaginaire!

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